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APPENDICE
Histoires qui n'ont pas été publiées dans les éditions
précédentes de Belles Histoires.
DOUZE
Celui qui donne
Rantidéva qui fut roi, devint ermite dans la forêt. Il avait
donné ses richesses aux pauvres, et vécu une vie simple dans la solitude de la
jungle. Avec sa famille il avait juste le nécessaire pour soutenir leur vie.
Une fois après un jeûne de quarante huit heures, un petit repas
de riz accompagné de lait et de sucre était préparé pour lui.
Un pauvre brahmane arriva à la porte de la hutte et demanda de
la nourriture. Rantidéva lui donna la moitié de son riz. Ensuite vint un shoudra
qui implora secours, et Rantidéva lui donna la moitié de ce qui restait.
L'aboiement d'un chien se fit alors entendre; la misérable bête
paraissait affamée. À elle, Rantidéva donna le reste. En dernier, arriva un
paria qui s'arrêta à la porte de l'ermite et demanda de l'aide. Rantidéva lui
donna le lait et le sucre, et resta à jeûner.
Alors arrivèrent quatre dieux qui lui dirent :
— "C'est à nous, Rantidéva, que tu donnas de la nourriture; car
nous avions assumé la forme d'un brahmane, d'un shoudra, d'un chien et d'un
pauvre hors-caste. Pour tous, tu fus bon, et nous te louons pour ta pensée
d'amour."
Ainsi le bon cœur traite tous les hommes et même les animaux
comme les membres d'une seule famille, d'une seule humanité.
Ne rencontrons-nous pas tous les jours des personnes qui savent
moins que nous? Il est en notre pouvoir de leur dire des choses qui peuvent être
utiles sur des sujets tels que la nourriture, l'habillement, les exercices, le
travail, les distractions.
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Il est de notre devoir de donner de la connaissance, comme il
est de notre devoir de donner du pain aux affamés.
Un homme ignorant se fait du mal à lui-même; il fait du mal à
son prochain, comme le mauvais joueur de flûte fit souffrir le brahmane.
Avez-vous jamais entendu comment ceci arriva?
Un brahmane un jour se promenait à la campagne, lorsqu'il fut
surpris d'entendre une voix sortir d'un lilas. Plusieurs fois la voix lui parla,
lui ordonnant de ne pas se laver dans un étang, de ne pas accomplir ses rites
religieux du soir, de ne pas manger, et de ne pas s'éloigner.
Alors il s'écria :
— "Qui es-tu, toi qui m'interdis de faire des choses qui ne
sont nullement nuisibles?" (ne contiennent aucun mal)
La voix sortant du lilas répliqua :
— "Je suis un brahma-rakshasa. Dans ma précédente existence
j'étais brahmane et très instruit dans l'art de la musique, mais je n'avais
aucun désir de faire part de ma connaissance aux autres. Je gardais mon savoir
pour moi- même. Et maintenant je suis condamné à être un brahma- rakshasa et
tous les jours je suis obligé d'entendre un homme qui joue sur une cornemuse; et
je ne puis vous dire combien mal il joue. C'est terrible. Que de fois j'ai
désiré pouvoir sortir de l'arbre, lui arracher son instrument et lui montrer à
s'en servir, à placer ses doigts, à prendre sa respiration. Mais cela m'est
impossible; et je suis obligé d'entendre ses airs affreux..."
Je ne puis vous raconter le reste de l'histoire ici; j'a-
jouterai seulement qu'un moyen fut heureusement trouvé pour le tirer de son
tourment. Mais vous voyez comme nous pouvons nous sentir malheureux à cause du
mauvais travail, du mauvais art ou de la mauvaise musique des gens qui
nous environnent.
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Si un homme a faim, qu'est-ce qui, seul, le soulagera? De la
nourriture. Si un homme a soif, qu'est-ce qui le soulagera? De l'eau. Si un
homme est ignorant, qu'est-ce qui, seul, l'aidera? La connaissance.
Il est bon de donner du pain aux affamés, de l'eau aux
assoiffés, de la connaissance aux ignorants.
Les cinq fils de Pandu, les cinq nobles Pandavas, logeaient dans
un palais qui à première vue semblait beau et confortable. Mais il avait été
construit par un ennemi; Purochana qui avait fait faire ses parquets, ses murs
et ses toits avec une matière facilement inflammable; et il avait l'intention
d'y mettre le feu une nuit pendant que les Pandavas seraient endormis; de
manière à être débarrassé des cinq princes qu'il haïssait.
Telle était sa fourberie. Pour ce méchant projet il se servit de
son habileté à construire et de sa subtilité à comploter.
Un jour, arriva au palais un homme très habile mineur. Il dit
secrètement aux princes :
— "Un de vos amis m'envoie ici, pour que je vous serve. Je suis
mineur. Dites-moi en quoi je puis vous être utile. Je sais de source sûre que
votre ennemi, Purochana lui- même, essayera de vous brûler tout vivants dans
cette maison."
Alors l'aîné des Pandavas dit au mineur :
— "Employez votre habileté à miner, mon brave homme, à nous
faire un chemin sous terre, afin que, même si les portes sont surveillées, nous
puissions échapper; car nous nous sauverons à l'aide du passage secret, creusé
par votre bêche, et rendu praticable par votre talent."
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Dans le sol, au centre même du palais, le mineur commença à
creuser. Les Pandavas gardaient des planches prêtes à être placées sur le trou,
et couvraient ces planches avec des tapis si jamais Purochana approchait. Ainsi
le trompeur était trompé.
À la fin les cinq princes furent prévenus que le passage était
prêt. Il conduisait de la maison à un fort joli endroit de la forêt.
Une nuit les princes mirent le feu au palais, et alors, avec
leur mère Kunti, ils se sauvèrent par le passage souterrain. Il était obscur
mais sûr. Quand Bhima le fort trouva que ses compagnons ne s'enfuyaient pas
assez vite, il mit sa mère sur ses épaules, prit deux de ses frères sur ses
hanches et les deux autres, dans ses bras, et ainsi chargé, courant comme le
vent qui ne peut être arrêté, il s'éloigna du feu mortel.
La ruse de Purochana avait été déjouée par l'habileté du bon
mineur. Le mineur ne se contentait pas de creuser le sol afin d'y découvrir des
trésors pour lui seul; il bêcha pour les autres. Il aida les autres avec son
savoir, il distribua sa science.
Le plus grand peuple sur terre, lui-même, ne sait pas tout. Nous
devons apprendre les uns des autres, l'homme de l'homme, la nation de la nation,
une partie du monde de l'autre, et chaque nation, chaque homme, devrait être
heureux d'enseigner ce qu'il sait.
Les peuples d'Occident apportent à l'Orient leurs con-
naissances scientifiques, mécaniques, économiques, etc...
Les peuples d'Orient ont, de tout temps, donné à l'Occident
leurs connaissances philosophiques et morales.
Ainsi l'Inde donna aux autres pays la connaissance contenue dans
les Védas,
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et dans les enseignements du Bouddha sur, la Vraie Voie, ainsi
que dans tous ses livres sacrés.
Même un enfant peut donner de la connaissance. Un enfant peut
apprendre l'alphabet à un autre. Un enfant peut apprendre à un autre à faire de
simples calculs, ou à reconnaître le nord du sud, l'est de l'ouest, ou bien à
faire un nœud, à jouer à un jeu, à semer une graine, etc.
Nous pouvons tous être des donateurs. Un livre saint dit : "Il y
a plus de bénédictions à donner qu'à recevoir."
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